Une réglementation cantonale
En Suisse, les relations entre l’État et les communautés religieuses sont essentiellement régies par les cantons (art. 72, par. 1, CF). Toutefois, il existe également des dispositions au niveau fédéral qui concernent les communautés religieuses et leurs membres. En particulier, les droits fondamentaux énoncés dans la Constitution fédérale (CF) sont importants pour les membres des communautés religieuses.
Que recouvre la liberté de religion ?
La liberté de croyance et de conscience, qui pour des raisons de lisibilité sera appelée ci-après liberté de religion, est garantie par l’art. 15 CF. Par principe, la liberté de religion comprend le droit de « se former, de choisir ou de changer de religion (se convertir), mais aussi de la professer publiquement, de la pratiquer seul ou en communauté, et ceci libre de toute influence de l’Etat. » (Pahud de Mortanges, 2015).
En conséquence, les musulman∙e∙s ont le droit constitutionnel d’orienter leur vie selon les croyances et les principes de leur religion. Par exemple, le droit de suivre des prescriptions alimentaires ou vestimentaire leur est garanti. La liberté de religion stipule également que l’État ne peut pas forcer les individus à accomplir des actes religieux. Par exemple, les écoliers et écolières musulman∙e∙s ne peuvent être obligé∙e∙s à assister dans le cadre de l’école, à une fête chrétienne comme Noël.
La liberté de religion peut-elle être restreinte ?
Les droits fondamentaux, tels que la liberté de religion, peuvent être restreints s’il existe une base juridique, si la restriction sert un intérêt public et si la restriction est proportionnée (art. 36 CF). Par exemple, au printemps 2020, l’interdiction de tenir des services et célébrations religieuses en raison du coronavirus a été estimée compatible avec la liberté de religion. Toutefois, le contenu essentiel de la liberté de religion, c’est-à-dire la croyance, ne peut en aucun cas être restreint (art. 36, par. 4 CF).
Des régimes spéciaux
Les personnes ayant un rapport de droit spécial, c’est-à-dire les personnes détenues ou hospitalisées, les militaires et les demandeurs d’asile, sont soumises à des règles particulières concernant la liberté de religion. Dans leur cas, l’État doit veiller activement à ce qu’ils et elles puissent exercer leur foi. Dans certaines circonstances, la direction de l’institution doit prendre des mesures et leur fournir par exemple des aumôniers∙ères de leur religion.
Le principe de la neutralité confessionnelle
Le principe de liberté de religion est lié à celui de la neutralité confessionnelle de l’État. L’État ne peut pas faire sienne une religion ; il ne peut pas non plus en favoriser l’une au détriment de l’autre. Il doit également afficher une neutralité religieuse dans ses relations extérieures. Par exemple, et dans un cas précis, les crucifix dans les salles de classe ont été jugés illégaux par le Tribunal fédéral suisse. En outre, selon la pratique judiciaire, les enseignantes de l’école obligatoire dans le canton de Genève et les greffières du canton de Bâle-Ville ne sont pas autorisées à porter le foulard, car elles représentent l’État dans leur travail.
Au niveau fédéral, le principe de l’égalité selon l’art. 8 CF est également d’une grande importance. Il stipule que personne ne peut être discriminé sur la base de ses convictions religieuses. Ces discriminations sont sanctionnées par des dispositions du Code pénal suisse, entre autres.
Formes juridiques d’existence sociale
En Suisse, les communautés musulmanes peuvent s’organiser sous forme d’association de droit privé ou de fondation, conformément aux règles du Code civil suisse. Si le droit cantonal le prévoit, elles peuvent également être reconnues d’intérêt ou de droit public. Les conditions et les conséquences de la reconnaissance sont alors régies par le droit cantonal. Les dispositions légales applicables se trouvent soit dans la constitution cantonale du canton concerné, soit dans les lois cantonales ou dans le recueil des lois cantonales de l’Institut de droit des religions de l’Université de Fribourg. À ce jour, cependant, seules deux communautés musulmanes sont reconnues en Suisse : L’Association culturelle des Alévis et des Bektashi de Bâle et le Centre culturel des Alévis, Regio Bâle, sont reconnus d’intérêt dans le canton de Bâle-Ville.
Cependant, de nombreux cantons entretiennent des contacts avec des communautés religieuses, ceci même si elles ne bénéficient pas d’un statut juridique de droit public. Ces dernières années, cette voie bilatérale s’est avérée la plus efficace. De bonnes solutions ont ainsi été trouvées, notamment dans le domaine des écoles et des cimetières musulmans.
Si certains cantons, comme le canton de Vaud, s’efforcent d’ouvrir la reconnaissance aux communautés musulmanes, d’autres, comme les cantons de Genève et de Zurich, s’éloignent du système de reconnaissance de droit public. Dans le canton de Genève, cependant, les communautés religieuses non reconnues peuvent également recevoir un soutien financier si elles fournissent des services à la société dans son ensemble. Les premiers pas dans cette direction ont également été faits dans le canton de Zurich.
Il n’existe donc pas de solution modèle quant à la manière dont les communautés musulmanes peuvent être reconnues ou dont elles peuvent demander un soutien financier. Le contact avec les autorités compétentes du canton est dans tous les cas d’importance.